Un inquiétant partage de la valeur chez Accenture

DCLIC s'engage
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Lors du CSE du mois de décembre 2023, les élus du CSE étaient consultés sur la situation économique et financière de l’activité fiscale de 2022. Une expertise a été menée durant l’année 2023 par un cabinet d’expertise indépendant pour nous aider à formuler un avis … ou pas.

La commission économique du CSE, dont l’équipe DCLIC CGT a 1 représentant  a plutôt voulu formuler une résolution :

« Les membres du comité social et économique sont normalement amenés à remettre un avis dans le cadre de la consultation sur la situation économique et financière d’Accenture SAS en FY 2022 et les perspectives pour FY 2023. A cette fin, ils ont fait appel à l’assistance du cabinet d’expertise Sextant, et la présente résolution s’appuie pour partie sur les conclusions apportées par ce dernier.

Concernant la situation économique et financière, les élus constatent les faits suivants :

• Accenture Monde connaît une croissance (+26%) et un niveau d’activité record en FY22, confortant ainsi son positionnement au sein d’un marché en rebond post-crise sanitaire. Le groupe a amélioré ses marges tout en normalisant son taux de chargeable. Les cash flows sont ainsi en hausse et permettent de financer une généreuse politique de redistribution aux actionnaires. La politique d’acquisition ralentit toutefois, après un « cru » 2021 exceptionnel.

• Au 1er semestre FY23, la croissance d’Accenture Monde décélère, mais demeure dynamique (+12%).

Accenture continue de gagner des parts de marché au niveau mondial. Dans un contexte inflationniste, et pour soutenir le cours de l’action (en baisse depuis janvier 2022), la direction globale a toutefois annoncé vouloir générer des économies sur les coûts de structure (fonctions supports, immobilier), au prix d’un important coût social (19 000 postes supprimés). Ces économies viennent déjà en complément d’une politique de maitrise stricte de la masse salariale des effectifs facturables, dont nous percevons les impacts en France. L’objectif de ces mesures est de rassurer les actionnaires à court terme, dont les principaux sont des fonds d’investissements avec des exigences de rentabilité à court terme. Objectif réussi puisque depuis Mars 2023, le cours de l’action du groupe remonte.

En France, les performances commerciales sont excellentes et concernent tous les métiers et tous les secteurs en FY22. La croissance du chiffre d’affaires atteint +36%, meilleure que celle générée par Accenture Monde. La marge opérationnelle dégagée par Accenture France est à la fois supérieure à celle générée par Accenture Monde, mais également à celle générée par les concurrents directs d’Accenture au périmètre France.

• Au premier semestre 2023, la croissance de l’activité se poursuit, les performances en France se dégradent, ce qui est lié au ralentissement du marché à partir du mois d’Octobre. Toutefois, une amélioration des performances s’observe déjà sur le H2 FY 2023 et devrait se poursuivre sur l’exercice FY 2024, selon les données du budget.

• Dans ce contexte, qui est aussi permis par les efforts fournis par les salariés, le CSE s’étonne des mesures proposées récemment en NAO et alerte la direction sur l’impact probable de telles mesures sur l’attrition.

• Pour Accenture SAS, notre société génère une très forte croissance en FY 2022, soit + 28%, et dépasse ainsi les 2Md€ de chiffre d’affaires.

• Pour absorber cette forte croissance :

  • Accenture SAS a fortement accru son recours à la sous-traitance interne, notamment à l’offshore.
  • La croissance a aussi fortement mobilisé nos équipes, avec des taux de chargeable en hausse sur l’exercice au sein de l’ensemble de nos service groups.

 

Ces deux éléments (recours à l’offshore et hausse de la productivité des salariés) ont permis de limiter la croissance de l’effectif de notre société à +12%, hors impact des fusions.

• Les frais de personnel progressent dans ce contexte deux fois moins rapidement que l’activité, permettant à la société de générer un excédent brut d’exploitation en hausse de +48%,

Une forme de modération salariale s’observe avec une enveloppe d’augmentation plus limitée en FY22, après un exercice FY21 où deux cycles de promotion s’étaient succédés.

• Dans ce contexte, le poids que représentent les salaires dans le partage de la valeur ajoutée tend à diminuer en FY 2022. Compte tenu de l’effort fourni par les salariés et de l’amélioration importante de nos performances, cela ne semble pas acceptable. Le CSE s’inquiète de la poursuite d’une politique de modération salariale cette année et de son impact sur l’attrition.

• L’essentiel de la hausse de notre excédent brut d’exploitation est absorbée par la hausse des refacturations du groupe, notamment les royalties, qui avaient été plafonnées l’an dernier. Le CSE regrette que les mécanismes d’optimisation fiscale du groupe viennent impacter fortement les résultats comptables nets (qui demeurent stables une fois comptabilisés ces charges groupe) et également la participation.

• Outre les remontées de cash via les royalties, Accenture SAS a versé 17M€ de dividendes à son actionnaire, et demeure en situation de préteur net de cash (à hauteur de 27M€) auprès du groupe à la fin de l’exercice.

• Le CSE note par ailleurs que le mécanisme de Participation est moins redistributeur en moyenne cette année, et que cette tendance devrait se poursuivre en FY 2023 et FY 2024 compte tenu de la politique fiscale et sociale de l’entreprise.

Ainsi, le CSE regrette que

• La direction ne donne pas plus de détails sur :

  • La répartition des charges de sous-traitance interne par pays et la marge transférée par ce biais
  • Les remontées de cash via les royalties et management fees
  • Les conventions pour encadrer les flux intragroupe d’Accenture et les opérations de production & services supports entre les sociétés du groupe,

 

• La directrice financière ne se présente pas aux réunions CSE pour répondre aux interrogations des élus.

Cela génère beaucoup de difficultés pour les élus pour pouvoir avoir un avis éclairé.

Dans ce contexte, le CSE émet les vœux suivants :

• Que la procédure d’information consultation sur l’exercice FY 2023 soit enclenchée dès le mois de Mars 2024, compte tenu d’une date de clôture de notre exercice à fin Août,

• Que la direction financière puisse assister aux présentations de l’expert sur la situation économique et financière,

• Que la direction puisse apporter au CSE une meilleure visibilité sur

  • La répartition des charges de sous-traitance interne par pays
  • Le partage de la valeur ajoutée par parties prenantes (actionnaires, MDs, salariés below level MD…).

 

• Que soit apporté à l’expert, lors de la prochaine consultation, une meilleure visibilité sur l’évolution des équipes « Fonctions Support » et le coût du projet de transformation des Fonctions Support, de façon à mieux mesurer l’impact de ce projet sur

  • Les salariés qui sont contraints de quitter l’entreprise
  • Tous les salariés facturables et non facturables qui restent dans l’entreprise

 

• De la même manière, que l’expert puisse avoir une vision plus détaillée de la refacturation du groupe, notamment les royalties.

• Qu’une politique de redistribution salariale plus généreuse puisse être engagée par la direction.

• Que la direction ne comptabilise pas sur le calcul de la participation l’impact du déficit fiscal de Linkbynet, ni le coût des restructurations à venir. Et que la renégociation de l’accord sur la Participation et/ou une négociation sur Intéressement puissent être ouvertes. Le CSE se réserve la possibilité de lancer une expertise sur le contrôle de la participation en 2024, conformément à l’article L.2315-80 du code du travail.

• Que la réponse à ces vœux soit faite lors du prochain CSE. En l’absence de tels éléments, le CSE se réserve la possibilité de convoquer le CAC (commissaire aux comptes) lors de la prochaine consultation, conformément à l’article L 2312-25 du code du travail.

Cette résolution vaut avis – le CSE rappelle à la direction qu’elle doit rendre compte, en le motivant, de la suite qu’elle entend donner aux vœux du comité exprimés par la présente résolution.

Résultat du vote des élus du CSE : Unanimité pour une résolution valant avis qui oblige la direction à répondre aux voeux formulés par les élus du CSE.

 

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